Poussières de nickel sur la ville : la longue marche de Véronique Lalande | Droit de parole

Publié le 11 octobre 2013, Droit de parole

Poussières de nickel sur la ville : la longue marche de Véronique Lalande

Par Pierre Mouterde

C’est le temps des élections, et si les regards de la plupart des citoyens sont branchés d’abord sur les déclarations des différents candidats en lice (Régis Labeaume, David Lemelin), cela n’empêche pas que des luttes sociales importantes continuent à avoir cours à Québec. Car c’est sans doute une des difficultés de cette campagne municipale : que les objectifs poursuivis par ces luttes puissent apparaître comme des enjeux pour l’élection du 4 novembre, et qu’elles obligent les candidats à se prononcer clairement sur leur issue possible.

Ainsi en est-il de la question des poussières de nickel provenant du port de Québec et de la lutte entreprise par Véronique Lalande le 26 octobre 2012, lorsque s’est répandue sur Limoilou une fine poussière rouge. Une fine poussière rouge d’oxyde de fer qui a en quelque sorte sonné l’alarme et peu à peu révélé comment, derrière cet épisode temporaire de déversement minier, se cachait en fait une contamination autrement plus importante : celle de poussières de nickel; Véronique Lalande et son conjoint ont pu alors démontrer qu’elles étaient présentes dans l’air de Limoilou depuis plusieurs années et sans doute dans d’autres quartiers de la ville (avec des concentrations 6 fois supérieures à la normale québécoise).

Les élites trainent des pieds

On le sait l’administration Labaume n’a pas brillé par sa diligence dans cette affaire, et plutôt que de voler au secours des habitants de Limoilou, les premiers touchés, son premier réflexe a été de temporiser, en minimisant au départ la portée des découvertes de Véronique Lalande, et en se rangeant plutôt du côté des autorités du port et la direction d’Arrimage Québec. Résultats : malgré de multiples initiatives prises par l’organisme Vigilance Port de Québec (manifestations, assemblées populaires, pétitions, etc.), et malgré de nombreuses déclarations officielles lénifiantes, peu d’améliorations concrètes ont été apportées au problème. Encore tout récemment, le Soleil rappelait comment Arrimage Québec, la principale compagnie incriminée, traine les pieds, quant au plan d’intervention de prévention de la pollution qu’elle aurait dû remettre au Ministère de l’environnement. À tel point que son plan n’est pas encore au point et que le ministère a dû lui fixer une nouvelle date butoir : le 15 octobre prochain.

Recours collectif

Dans ce contexte, on comprend comment le recours collectif que Véronique Lalande avait déposé à l’époque, au nom de tous les citoyens de Limoilou, a son importance. Au moins par ce biais, la compagnie Arrimage Québec risquait d’être tenue responsable et donc d’être obligée de défrayer les coûts de ses manutentions inappropriées. Sauf que la chose est loin d’être aussi simple qu’il n’y paraît : le 16 septembre dernier Véronique Lalande voulait, devant un juge, faire ajouter un amendement à sa demande initiale, de manière à ce que soient pris en compte, non seulement les effets du minerai de fer déversé le 26 octobre 2012, mais aussi ceux du nickel qu’on a retrouvé dans les mêmes échantillons et dont on a su depuis qu’ils sont présents dans l’air au moins depuis 2009. Manque de chance, elle s’est retrouvée, elle et son avocat (Maître Bélanger), devant une batterie d’avocats et d’experts de la partie adverse (Port de Québec et compagnie Arrimages Québec) qui ont tout fait pour torpiller ses efforts. « Comme la cause est les poussières rouges, les dommages réclamés sont exclusivement liés à la poussière rouge (..) Il faut geler la caméra à l’incident de la poussière rouge », dira maître Jolin, représentant d’Arrimage Québec, expliquant sans rire que c’est : « pour que les membres soient indemnisés rapidement et que le dossier soir réglé ».

On le voit, la stratégie de la compagnie est claire : utiliser tous les moyens juridiques possibles pour paralyser ce recours collectif et surtout épuiser celle qui le porte en multipliant des recours et arguties de tous types. On comprendra, dès lors, comment dans un tel contexte l’appui des autorités de la ville pourrait à sa manière modifier ce si inégal rapport de force et ainsi renforcer le camp de ceux et celles qui aspirent à ce que la compagnie et le port assument les responsabilités qui leur reviennent. Démocratie Québec serait-il prêt à prendre des engagements de la sorte ?

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