La ville des cowboys | Le Soleil.

Publié le 16 novembre 2013 à 05h00 | Mis à jour à 05h00, Le Soleil.

La ville des cowboys

L’anse au foulon en juin 1988. Les réservoirs d’hydrocarbures se tenaient entre la falaise et le fleuve. PHOTO FOURNIE PAR JEAN GUYAR

FRANÇOIS BOURQUE

(Québec) C’est un lecteur, ancien urbaniste de la Communauté urbaine de Québec, qui m’a fait parvenir la photo.

On y voit à l’avant-plan le secteur visé par la phase III de la promenade Samuel-De Champlain et derrière, la zone portuaire.

La date est inscrite en bas à droite : juin 1988.

C’est de ça qu’avait l’air l’anse au Foulon il y a 25 ans. Une enfilade de réservoirs d’hydrocarbures entre la falaise et le fleuve. Le «Far West» du développement urbain.

Un mauvais souvenir.

Il faut partir de là pour comprendre les réactions épidermiques au projet de silos de granules de bois à l’anse au Foulon. Les citoyens craignent de perdre le paysage qu’ils croient avoir gagné.

Les critiques, attaques et états d’âme des derniers jours ont beaucoup porté sur le processus d’autorisation des silos.

Sur un manque de transparence du Port; son empressement à agir; sur l’imprécision des informations transmises à la Ville et au gouvernement; sur l’absence d’évaluation environnementale indépendante et de consultations publiques.

Il en a résulté un sentiment général que le Port avait placé la Ville et les citoyens devant un fait accompli.

Le maire Labeaume dit s’être senti «floué» et la ministre Agnès Maltais a accusé le Port et le promoteur de jouer aux «cowboys».

Il y a ici des différences de perceptions et de versions, peut-être d’agendas politiques. Mais il est manifeste que la communication avec le public et ses représentants a été ratée.

On aurait pu faire beaucoup mieux.

Eut-on fait de longues et amples consultations publiques, on aurait probablement apaisé certaines frustrations. Peut-être en aurait-on créé de nouvelles.

Au final, cela n’aurait rien changé. On aurait retrouvé les mêmes antagonismes :

Il y aurait eu des «Pour», pour les mêmes raisons qu’aujourd’hui : le développement et la santé financière du port; les emplois et retombées pour la région; la promotion du commerce international; la planche de salut pour l’industrie du bois en déclin; les retours d’impôts et de taxes, etc.

Les «Contre» seraient encore contre, pour les mêmes raisons qu’ils sont contre aujourd’hui : l’impact visuel négatif sur le paysage des berges; la crainte du précédent créé; les risques d’incendie, de bruit, de diffusion de poussière.

Les «Contre» auraient continué à douter de la bonne foi du promoteur et du Port; à minimiser l’importance des retombées économiques; à contester la valeur environnementale des granules de bois pour le chauffage; à remettre en question la pertinence d’une vocation portuaire à l’anse au Foulon.

Faites-leur confiance, les «Contre» savent trouver des raisons pour être contre. Les «Pour» le savent aussi.

Cela donne des débats construits sur une part d’arguments solides et sur une autre de demi-vérités et de mauvaise foi.

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On a l’habitude de retrouver le maire Labeaume dans le camp des «Pour», avec les promoteurs, partisan du développement économique, de l’audace, du toujours plus gros et de la rapidité d’exécution.

Il est cette fois de l’autre côté de la bataille. Dans le camp des opposants et des fâchés, aux côtés de ceux qui sont souvent contre lui.

Ce rôle à contre-emploi a éveillé des suspicions et procès d’intention, certains tirés par les cheveux, d’autres peut-être pas. Je vous laisse en juger.

> 1 La virulence des critiques contre le Port et le promoteur vise à faire oublier le laxisme de son propre cabinet.

> 2 Le maire ne veut pas passer à l’histoire comme celui qui aura saboté le mouvement de retour au fleuve en fermant les yeux sur un projet inacceptable.

> 3 Le maire veut rappeler au Port qui est le boss à Québec, comme il l’a fait déjà avec la Commission de la capitale, le gouvernement et la Commission de s champs de bataille.

> 4 Le Parti québécois (PQ) cherche un nouvel affrontement avec le fédéral en s’attaquant au Port. Le maire appuie ses amis du PQ dans l’espoir d’un retour d’ascenseur sur les régimes de retraite.

via La ville des cowboys | François Bourque | Chroniqueurs.

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