Foire aux questions

Comment les activités industrielles au port de Québec produisent-elles des impacts sur notre milieu de vie?

Les activités industrielles au port de Québec sont principalement concentrées (près de 70% des activités) sur le transbordement, la manutention et l’entreposage de vrac solide (minerais, engrais, sel, sucre, céréales, ciment, etc.) et liquide (produits pétrochimiques, huile, etc.). Les principaux secteurs d’opération sont le terminal de Beauport, le secteur de l’Estuaire et le secteur de L’Anse-au-Foulon. Ces activités se font selon différents modes opératoires en fonction des produits et des prescriptions des utilisateurs, mais une grande partie se fait encore à ciel ouvert produisant des particules fugitives qui se retrouvent ainsi à émaner au-delà des installations portuaires. Lorsque les conditions météorologiques sont propices (force/direction des vents et précipitations) ces particules sont déplacées et se redéposent dans l’environnement. Les plus grosses, souvent visibles à l’œil nu, se déposent dans la périphérie rapprochée, alors que les plus fines peuvent se déplacer sur de grandes distances. Cette soupe de particules est composée de tout un amalgame de produits qui ont tous un impact sur notre milieu de vie, allant de la nuisance à des effets importants sur la santé.

Est-ce qu’il y a eu d’autres épisodes de poussière rouge depuis le 26 octobre 2012?

Les termes « épisode » et « poussière rouge » sont fréquemment utilisés dans les médias, mais ils décrivent en fait très mal la problématique. Premièrement, s’il est vrai que certaines conditions favorisent la dispersion des particules à un moment et à un endroit précis donnant lieu à des épisodes plus importants, la problématique se vit en continu, à l’image des activités au port de Québec qui sont en opération 24h par jour, 7 jours par semaine et 365 jours par année. Deuxièmement, la coloration rouge de la poussière, qui lui donne un aspect plus dramatique, est liée à la présence de produits ferreux. Le fer étant le plus important volume dans le vrac solide et entièrement manipulé à l’air libre, il est toujours présent dans les particules. Il arrive que la proportion de fer soit plus grande à certaines périodes ou que le fer contenu dans le minerai soit plus oxydé, créant ainsi la fameuse poussière rouge. La plupart du temps la poussière est grisâtre, mais elle n’en est pas moins inquiétante.

Pourquoi la problématique est toujours associée à Limoilou? Est-ce que d’autres secteurs sont touchés?

On a beaucoup associé la problématique à Limoilou pour plusieurs raisons. D’abord, nous avons été les premiers à alerter les autorités et nous poursuivons notre documentation à partir de ce que nous vivons. Aussi, la station permanente d’échantillonnage de la qualité de l’air et les deux stations temporaires, en opération entre 2010 et 2012, étaient toutes situées dans le Vieux-Limoilou. Finalement, en fonction de son emplacement géographique (proximité et positionnement dans l’angle des vents dominants), il est vrai que le Vieux-Limoilou subit en première ligne les impacts des activités au terminal de Beauport. Cependant, tous les quartiers centraux de Québec (incluant le lieu-dit du Cap-Blanc), la côte de Lévis et la pointe sud de l’Île d’Orléans sont aussi touchés. Plusieurs de ces secteurs étant aussi les plus densément peuplés, un calcul conservateur nous permet d’affirmer que plus de 100 000 personnes sont directement touchées dans leur milieu de vie par les activités industrielles au port de Québec. En incluant tous les coûts associés, c’est l’ensemble de la société qui est directement ou indirectement touchée.

Concrètement, quelle est la solution? Quels mécanismes ou mesures devraient être mis en place pour régler le problème?

L’Administration portuaire de Québec (APQ) et ses différents utilisateurs chiffrent à 27 millions $ les investissements effectués depuis trois ans pour contenir les émissions de particules fugitives, principalement des stations d‘échantillonnage de la qualité de l’air et un réseau de canons à eau sensé rabattre et maintenir les particules sur le site. Pourtant, les manifestations de la problématique sont toujours aussi visibles. Les mesures à mettre en place sont nombreuses, connues et relativement accessibles. Elles vont des techniques de manutention améliorées jusqu’à l’aménagement de zones tampons, en passant par le pavage des routes d’accès au site. Cependant, une seule mesure permettra à terme de régler définitivement le problème : la mise sous couvert intégrale de l’ensemble des opérations : transbordement, manutention, entreposage et chargement de toutes les matières en vrac. Cette solution peut paraître extrême, mais elle est utilisée par de nombreux ports à travers le monde et elle est la seule compatible avec la nature, l’ampleur et l’emplacement des activités industrielles au port de Québec.

Qui a juridiction sur le Port de Québec pour encadrer les activités et sévir en cas de problèmes?

La question fait l’objet de plusieurs litiges et n’y a pas de réponse simple. Le territoire du port de Québec est une propriété de la couronne; l’APQ est une agence fédérale autonome relevant du gouvernement constituée en vertu d’une charte fédérale; et la navigation et le commerce entre provinces, font partie des compétences du gouvernement fédéral. Il est donc vrai que le Port de Québec est un organisme fédéral et qu’il doit se plier aux différentes exigences des lois fédérales, même si dans les faits l’APQ est souvent l’autorité chargée de s’assurer que ces lois sont respectées. Par contre, la protection de l’environnement, la qualité de l’air, la santé publique ou l’encadrement des usages relèvent du pouvoir des provinces ou des villes. Plusieurs juristes indépendants ont depuis longtemps rejeté cette idée que le Port de Québec puisse unilatéralement choisir de se soustraire aux lois et règlements en vigueur sur le territoire qui l’héberge, sous prétexte qu’il est de juridiction fédérale. Nous sommes aussi de cet avis. Nous jugeons que le fait de conduire des activités sur un territoire et d’y générer des impacts à l’environnement constitue un motif suffisant pour que toutes les règles ayant pour objectif de contrôler ces impacts s’appliquent de facto.

Comment concilier les aspirations légitimes de la population à un milieu de vie sain tout en reconnaissant que le Port de Québec est un joueur important pour notre économie?

Jamais nous n’avons demandé la fin des activités industrielles au port de Québec et nous persistons à penser qu’il est possible, avec un minimum de bonne volonté, de faire cohabiter différentes vocations sur un même territoire avec un minimum de bonne volonté. Évidemment, les activités industrielles au port de Québec génèrent des revenus et soutiennent des emplois au pays. Mais comme ce sont nous, les voisins du port, qui devons composer avec les inconvénients et les risques liés à la manutention de marchandises en vrac, il convient de se demander quelle est l’ampleur de ces retombées économiques relativement au produit intérieur brut (PIB) et aux emplois de l’économie locale. Or de nombreuses études suggèrent que ces retombées sont plutôt modestes. Cela étonne peu, puisque le simple transit de matières en vrac est par essence une activité économique à faible valeur ajoutée. En prenant en compte l’ensemble des coûts assumés par la communauté, coûts qui sont malheureusement rarement considérés, on arrive assez vite à la conclusion que cette activité est pour l’instant très rentable pour quelques individus, mais déficitaire pour la communauté. Nous n’exigeons rien de démesuré, simplement que l’APQ revienne à l’essence même de sa mission qui est « … d’assurer sa rentabilité dans le respect de l’environnement et des communautés ». Nous pensons qu’il s’agit de la seule manière dont le Port de Québec pourra maintenir à long terme une activité industrielle économiquement viable et ce, dans l’intérêt de tous.

C’est vrai que la poussière est une nuisance, mais est-elle réellement dommageable pour la santé?

Plusieurs éléments entrent en ligne de compte dans la détermination du potentiel de dommages à la santé d’une substance. La nature, la toxicité, la forme, la quantité de substance, mais aussi certains critères propres à la population qui entre en contact avec cette substance comme son âge, son sexe, sa condition médicale. De plus, bien qu’il soit souvent difficile de le quantifier, le fait d’être exposé à un cumul de plusieurs substances en même temps aggrave la situation.

Les effets sur la santé le plus souvent associés à la présence de particules dans l’air sont liés aux maladies du système cardio-respiratoire et vont des problèmes de type allergique (dermatites de contact, rhinite, infection aux yeux) jusqu’au cancer, en passant par les maladies respiratoires chroniques et les risques accrus d’hospitalisation et de mortalité. La taille des particules a un rôle à jouer : plus les particules sont fines, plus elles sont susceptibles de pénétrer dans l’organisme et de causer des dommages. La composition chimique des particules est aussi à surveiller : plus la substance est irritante et toxique, plus les effets sont importants. En plus des effets actuellement matérialisés, il faut ajouter le risque d’accident grave impliquant une des nombreuses matières dangereuses (combustibles, explosifs, substances toxiques, etc.) entreposées au port de Québec.

En résumé, les dommages à la santé sont à l’image des impacts des activités industrielles au port de Québec: ils sont réels, multiples et complexes. Les principes d’intervention, de prévention et de précaution en matière de santé publique devraient guider les autorités vers les mesures les plus fermes pour limiter ces impacts et ce, le plus rapidement possible.

Comment les différents projets de développement risquent-ils de m’affecter?

La contamination de l’air et de l’eau et la cohabitation difficile entre les activités industrielles au port de Québec et les secteurs résidentiels étaient déjà connues dans les années 1980. Depuis ce temps, le transbordement de matières solides en vrac, en particulier des produits miniers, n’a cessé de croître sans que des mesures adéquates ne soient mises en place pour limiter les impacts à l’environnement, menant tout droit au gâchis que nous connaissons. À notre avis, aucun projet visant à augmenter les activités industrielles au port de Québec ne devrait être envisagé tant que la situation actuelle ne sera pas sous contrôle. Si l’actuel projet d’agrandissement au terminal de Beauport fera finalement, in extremis, l’objet d’une évaluation environnementale des impacts par une entité détenant l’expertise, l’indépendance et la transparence nécessaires à ce genre d’exercice, d’autres projets de développement, souvent questionnables sur le plan de l’acceptabilité sociale, pourraient ne pas avoir le même traitement.

Finalement, au-delà de l’évaluation environnementale des projets, l’aménagement du territoire, les usages privilégiés et la vision du développement ne sont pas des prescriptions neutres : ils devraient toujours être le produit de choix de société et faire l’objet d’un bon niveau de consensus entre les différents membres d’une communauté. L’ensemble du territoire appartient à l’ensemble des citoyens et tous ont un droit de regard sur son utilisation.

J’ai entendu dire que le Port de Québec voulait se positionner comme terminal pétrolier à court terme. Qu’en est-il réellement?

Le port de Québec est déjà un important terminal pétrolier; près de la moitié du tonnage en vrac manutentionné annuellement est constitué de matières liquides principalement composées de produits pétrochimiques. Dans sa volonté d’accroître constamment ses revenus, l’APQ n’a jamais caché qu’une augmentation de ses activités dans le secteur pétrolier était envisagée. Le projet d’agrandissement au terminal de Beauport comprend, entre autres, la construction d’un duc d’Albe et d’infrastructures visant à permettre une augmentation des volumes de liquide transbordés. Si l’APQ demeure aujourd’hui vague et discrète sur ce dossier hautement sensible, il est presqu’évident qu’à court ou moyen terme, la pression pour offrir un débouché vers l’Est au pétrole de l’Ouest sera importante sur les infrastructures déjà en place ayant la capacité de le faire.

Qu’est-ce que je peux faire personnellement comme simple citoyen?

Refuser de subir, refuser de fuir et agir pour le respect du droit à un milieu urbain plus sain! Si vous êtes directement touchés, témoignez de votre histoire, en mots et en images, sur toutes les tribunes accessibles. Si vous résidez ou détenez une propriété dans le secteur délimité par le cadre des deux recours collectifs autorisés, inscrivez-vous. Si vous êtes préoccupés par la problématique dans son ensemble ou par un de ses aspects en particulier, maintenez une pression constante sur l’ensemble des acteurs et sur nos élus en les questionnant, en exigeant des réponses et des actions concrètes. Lors des élections, votez pour un candidat qui défend vos intérêts dans ce dossier. Vous avez le pouvoir de changer le cours des choses, transformez votre indignation en action!