Port : refuser de se faire tasser | Le Soleil.

Publié le 13 septembre 2016 à 19h32 | Mis à jour le 13 septembre 2016 à 19h32

Port : refuser de se faire tasser

Avec la récente décision de la Cour supérieure,... (Photothèque Le Soleil, Jean-Marie Villeneuve)

Avec la récente décision de la Cour supérieure, le ministère québécois de l’Environnement n’aurait plus rien à faire et à dire sur le territoire du Port de Québec. PHOTOTHÈQUE LE SOLEIL, JEAN-MARIE VILLENEUVE

BRIGITTE BRETON
Le Soleil

ÉDITORIAL / Le gouvernement Couillard ne cherche pas les polémiques avec Ottawa, mais il pourrait difficilement ne pas porter en appel la décision rendue par la Cour supérieure, voulant que les lois environnementales du Québec ne s’appliquent pas au Port de Québec.

Politiquement, les libéraux feraient un cadeau inespéré aux souverainistes s’ils acceptaient la conclusion du juge Gilles Blanchet dans la cause impliquant l’Administration portuaire de Québec et IMTT-Québec.

Philippe Couillard n’est certes pas des plus revendicatifs auprès d’Ottawa. Il y a néanmoins des limites à ce qu’une province se laisse tasser, accepte de restreindre ses pouvoirs et de délaisser son expertise. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’environnement et de la santé de ses citoyens.

Monsieur et madame Tout-le-Monde ont peu d’intérêt pour les chicanes provinciales-fédérales et ne passent pas des heures à s’interroger si le fédéralisme canadien doit être centralisateur ou plus coopératif. Le jour où des poussières rouges de nickel s’accumulent sur leur balcon, le jour où ils se demandent si les activités actuelles ou futures du port ne seront pas néfastes pour leur environnement ou leur santé, ils se tournent toutefois spontanément vers les autorités provinciales et le ministère de l’Environnement. Pas vers Ottawa.

Or, avec la récente décision de la Cour supérieure, le ministère québécois de l’Environnement n’aurait plus rien à faire et à dire sur le territoire du Port de Québec. IMTT prétendait depuis 2008 pouvoir construire des réservoirs de produits pétroliers sur les terrains du Port de Québec sans devoir se soumettre à la Loi sur la qualité de l’environnement. Pas de certification d’autorisation à obtenir de Québec, pas de BAPE, pas d’étude d’impact à fournir, pas d’inspection à craindre, pas de normes québécoises à respecter.

Le juge lui a donné raison. Le port est sur un territoire fédéral et la réglementation canadienne s’applique. Les opérations de l’entreprise s’intègrent de façon étroite aux domaines de la navigation et des bâtiments ou navires au Canada, de sorte qu’elles relèvent de la Loi maritime du Canada.

Et l’environnement dans tout ça? Les citoyens seront-ils mieux servis si Ottawa procède seul à l’évaluation des projets? La façon dont le gouvernement conservateur a modifié les règles du jeu et le peu d’empressement du gouvernement Trudeau à les renforcer soulèvent de l’inquiétude. Le volet économique d’un projet sera-t-il le seul examiné? Ottawa va-t-il dépêcher des inspecteurs au Port, sanctionner si nécessaire?

Les entreprises qui, comme IMTT mais aussi comme TransCanada, refusent d’être soumises aux lois et règlements québécois en matière d’environnement ne le font certainement pas uniquement pour mettre fin au dédoublement et réduire les délais. Si le jugement n’est pas contesté, il est à prévoir que des promoteurs aimeront mieux s’installer sur le territoire d’un port fédéral plutôt que de devoir se soumettre à la législation québécoise quelques mètres plus loin.

Ce n’est pas la première fois que les élus provinciaux et municipaux se font éclipser. Des gens de Neuville ont appris qu’un conseil municipal et des ministres provinciaux peuvent s’opposer à la construction d’un aérodrome privé sur une terre agricole, mais que le projet va néanmoins de l’avant puisque c’est Ottawa qui a la compétence en matière aéronautique.

La Ville de Châteauguay, qui voulait que Rogers installe une antenne de communication dans une zone industrielle plutôt que résidentielle, a aussi échoué devant la Cour suprême. Unanime, la Cour a tranché cet été que la Municipalité empiétait sur l’exercice d’une compétence fédérale, la radiocommunication.

La démocratie de proximité en sort écorchée.

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