Le championnat de la poudre aux yeux | Le Soleil.

Publié le 05 juin 2013 à 05h00 | Mis à jour à 09h09, Le Soleil

Le championnat de la poudre aux yeux

JEAN-SIMON GAGNÉ

(Québec) Depuis des mois, il n’y a pas que la poussière de nickel ou de charbon qui plane sur la ville de Québec.

Nous devons aussi composer avec une quantité impressionnante de poudre aux yeux. Et celle-là, il n’y a pas d’instrument pour la mesurer.

Dommage. Sinon, le maire Régis Labeaume aurait ses chances comme champion de catégorie mondiale. Au début, M. le maire recommandait même de ne pas trop ébruiter ces histoires de poussière de nickel, sous peine de faire baisser le prix des maisons du quartier de Limoilou! Plus compatissant, tu t’inquiètes pour les égratignures sur le vernis de l’escalier que ton invité vient tout juste de débouler, tête première!

Ne ricanez pas. Quoi qu’on en dise, le maire reste fidèle à son personnage. Toujours prompt à exiger le calme et la retenue pour tout le monde, sauf pour lui-même.

L’attitude du Port de Québec, à peine plus diplomate, fleure bon le paternalisme? Le message se résume ainsi : «Du calme, les enfants. Faites confiance aux grandes personnes pour s’occuper des choses importantes.»

Déclaration typique du pdg, Mario Girard, le 21 mars : «Calmons-nous un peu. On n’est pas à des mois d’avoir une réponse, on est à quelques jours seulement.»

Ah oui? Soixante et onze jours après ces propos rassurants, le 31 mai, un énorme nuage – de charbon, celui-là – s’est échappé du port.

Pas grave. Les autorités portuaires ont bien d’autres chats à fouetter. Depuis des mois, dans une autre affaire, elles contestent la juridiction du gouvernement du Québec en matière d’environnement, afin de ne dépendre que des lois fédérales.

Scénario connu. En public, le Port joue le citoyen modèle. En coulisses, il s’organise pour avoir moins de comptes à rendre… Il est vrai que dans la controverse entourant les poussières multicolores, le gouvernement fédéral a brillé par son absence. À croire qu’il s’agit de transparence extrême? Ou de sa célèbre imitation d’un mime invisible, s’exerçant au tir avec un revolver chargé à blanc, équipé d’un silencieux?

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Ne ricanez pas. Jusqu’au bout, la compagnie Arrimage du St-Laurent a refusé d’admettre que ses opérations de transbordement puissent être à l’origine de la poussière de nickel.

«Je n’affirmerai jamais qu’il n’y a aucune particule qui s’échappe, déclarait le vice-président, le 23 mars. Mais de là à ce que ça se rendre à Limoilou, ça m’étonnerait. C’est un procédé qui est considéré comme étanche.»

Comme on dit en politique : «si les faits ne correspondent pas à la théorie, oubliez les faits».

Même en présentant un plan d’action de 10 millions $ pour réduire ses émissions de poussière, le 2 mai, Arrimage tentait encore de s’esquiver, avec toute la grâce d’une anguille badigeonnée d’huile d’olive, essayant de se tortiller en direction de la sortie des cuisines.

La prochaine fois, pour achever de semer la confusion, on ne saurait trop conseiller les mots de Frank Zampino, ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, devant la commission Charbonneau.

«Je ne confirmerai pas non plus que je ne peux pas l’exclure.»

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Stop. Il serait dommage de conclure sur des considérations aussi déprimantes, alors je prends la poudre d’escampette, en offrant cette blague, gracieuseté d’un lecteur :

«Il était une fois trois politiciens municipaux qui venaient de terminer un cours d’éthique. La veille de l’examen, ils se disent qu’ils n’ont pas besoin de réviser leurs notes. Ils font la fête toute la nuit.

Catastrophe. Le lendemain matin, ils n’entendent pas la sonnerie du réveil. Un peu penauds, ils vont trouver le professeur pour lui demander de repasser l’examen, en expliquant qu’ils ont eu une crevaison.

Le professeur accepte. Il installe chaque politicien dans une salle différente, avant de lui donner sa copie.

La première partie compte pour cinq points. Juste des questions faciles.

Après, chacun tourne la page pour découvrir la seconde partie, qui compte pour 95 points. Ô surprise, il n’y a qu’une seule question, qui se lit comme suit : «Sur quel pneu est survenue la crevaison?»

via Le championnat de la poudre aux yeux | Jean-Simon Gagné | Chroniqueurs.

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