Poussière de nickel: Arrimage a une défense… mais la tait | Le Soleil.

Publié le 25 octobre 2013 à 05h00 | Mis à jour à 05h00, Le Soleil.

Poussière de nickel: Arrimage a une défense… mais la tait

Épinglée par le ministère de l’Environnement dans l’affaire de la pollution au nickel dans Limoilou, la compagnie Arrimage du St-Laurent affirme avoir trouvé la preuve de son innocence. PHOTOTHÈQUE LE SOLEIL, JEAN-MARIE VILLENEUVE

JEAN-FRANÇOIS CLICHE

(Québec) Un coupable? Deux coupables? Un seul, mais pas celui qu’on croit? La compagnie Arrimage du St-Laurent, épinglée par l’Environnement dans l’affaire de la pollution au nickel dans Limoilou, est à ce point convaincue d’avoir trouvé la preuve de son innocence qu’elle donne jusqu’à lundi au ministère pour se rétracter. Mais elle refuse de la rendre publique…

Dans une lettre au ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) datée de mardi et que le FM93 a divulguée jeudi matin, la porte-parole d’Arrimage Johanne Lapointe signale que les analyses gouvernementales n’ont pas tenu compte d’une forme sous laquelle le nickel peut se présenter, soit la «matte de nickel» – qui est essentiellement un minerai partiellement raffiné. Mme Lapointe juge ce point fondamental, car le seul nickel qui passe entre les mains d’Arrimage au Port de Québec est un minerai nommé pentlandite. Seul un autre locataire du port, la minière Xstrata, manipule du nickel sous forme de matte.

«Pourtant, le MDDEP avait prélevé un échantillon de matte au Port de Québec [pour le comparer avec le nickel contenu dans la poussière de Limoilou], or vous n’avez pas transmis [cet] échantillon» à des fins d’analyse, déplore Mme Lapointe dans sa missive.

Celle-ci reproche également à l’Environnement de ne pas avoir poussé ses analyses suffisamment loin pour distinguer la provenance du minerai qui contamine la Basse-Ville. La pentlandite qui transite par le port provient essentiellement de deux mines, l’une exploitée par Vale Inco à Voisey’s Bay, au Labrador, et l’autre par Xstrata à Raglan, dans le Grand Nord québécois. Arrimage s’occupe de tout le transbordement pour Voisey’s Bay et est impliquée dans celui de Raglan – mais, dans ce cas-ci, ne fait que fournir de la main-d’oeuvre à Xstrata, précise Mme Lapointe.

Vérification faite, cependant, il semble qu’il y ait très peu ou pas du tout de matte de nickel dans Limoilou. La géochimiste de l’Université Laval Josée Duchesne a analysé au printemps dernier des échantillons de poussière recueillis par le MDDEFP dans ce quartier. Elle y a décelé 75 particules qui contenaient du nickel, mais 62 d’entre elles étaient de la pentlandite et le reste était de minuscules fragments d’acier inoxydable.

Mme Duchesne dit aussi avoir analysé d’autres échantillons pour l’Environnement par la suite, où elle a trouvé 25 particules de nickel – toutes de la pentlandite à l’exception d’une seule, plus riche en nickel que les autres, qui pourrait a priori être de la matte.

Confrontée à ces données, la porte-parole d’Arrimage a répondu qu’«on a obtenu des échantillons des mêmes quatre filtres [des échantillonneurs d’air du MDDEFP], on a fait faire des analyses et nos résultats sont très différents». Mme Lapointe n’a toutefois pas voulu laisserLe Soleil jeter un oeil à ce document, prétextant une poursuite de 250 millions $ à laquelle Arrimage fait face dans cette affaire et disant qu’il revenait à l’Environnement de divulguer ces renseignements.

Il faut tout de même mentionner que la seconde série d’analyses de Mme Duchesne visait à établir la ou les origines de la pentlandite qui pollue Limoilou. La chercheuse n’a pas voulu en dévoiler les résultats, qui appartiennent au MDDEFP, mais dit que la méthode utilisée a permis de trouver «tant de particules qui avaient une signature identique à l’Umiak [le navire qui transporte le minerai de nickel de Vale Inco] et tant d’autres identiques à l’Arctique».

La candidate de l’un, la fille de l’autre

Le nouvel «alibi» d’Arrimage Québec a eu des échos jusqu’à l’Assemblée nationale, où le ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet, a eu maille à partir avec le caquiste Éric Caire. Ce dernier a accusé le gouvernement péquiste d’avoir voulu protéger Xstrata, une minière qui a récemment annoncé un investissement de 150 millions $ à Matagami.

Il a également laissé entendre que Québec s’en prenait à Arrimage par partisanerie puisque la porte-parole de l’entreprise, Johanne Lapointe, a été candidate pour la Coalition avenir Québec aux dernières élections, et que la citoyenne de Limoilou qui a sonné l’alarme sur la poussière rouge, Véronique Lalande, est la fille d’une ancienne attachée politique péquiste.

«J’ai malheureusement moins de disponibilité que le député de La Peltrie pour écouter et reproduire des séries policières américaines et avoir des complots de cette envergure-là», a rétorqué M. Blanchet.

via Poussière de nickel: Arrimage a une défense… mais la tait | Jean-François Cliche | Environnement.

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