Les avocasseries | Le Soleil.

Publié le 30 octobre 2015 à 05h00 | Mis à jour le 30 octobre 2015 à 05h00 | Le Soleil

Les avocasseries

Véronique Lalande ne s’imaginait pas s’embarquer dans une interminable saga le jour d’octobre 2012 où, intriguée par cette poussière rouge tombée sur sa galerie, elle en a recueilli un tout petit échantillon pour le faire analyser. PHOTOTHÈQUE LE SOLEIL, ERICK LABBÉ

MYLÈNE MOISAN

(Québec) CHRONIQUE / Le 22 octobre 2014, on a appris que Jacob faisait faillite, qu’AML mettait la main sur Croisières Dufour, que le maire Régis Labeaume contestait les chiffres de ses fonctionnaires, que les CF-18 étaient en route vers l’Irak pour frapper contre l’EI.

Et que Pierre Karl Péladeau avait encore beaucoup à apprendre sur le métier de politicien, quand il a répliqué : «Je n’ai pas à répondre aux questions des journalistes.»

Ce même jour, on a aussi appris que le recours collectif concernant l’épisode de poussière rouge dans Limoilou était autorisé contre le Port et la compagnie Arrimage, deux ans, presque jour pour jour, après ledit épisode. Le recours couvrait aussi les résidents de Saint-Roch et de Saint-Sauveur.

Deux ans plus tard.

Mardi, les parties avaient rendez-vous au palais de justice. Pour pas grand-chose. Depuis un peu plus d’un an, le Port de Québec et Arrimage dansent le cha-cha-cha dans les fleurs du tapis, multipliant les procédures. Chaque fois, Véronique Lalande et Louis Duchesne, qui ont intenté le recours, sont convoqués.

Cette fois, le Port et Arrimage voulaient avoir la liste de toutes les personnes inscrites au recours collectif et les noms de ceux qui auraient manifesté le désir de s’inscrire, mais qui ne l’auraient pas fait.

Ils voulaient aussi obtenir le rapport d’expertise produit par Véronique et Louis pour déterminer le territoire touché par le recours collectif. «C’est un rapport préliminaire, il nous manque des données du Port pour le compléter.»

On parle pour parler, parce que le Port et Arrimage ont déjà en mains le fameux rapport préliminaire.

Ils l’ont reçu dans le cadre d’un deuxième recours collectif, autorisé en août, sur la qualité de l’air en général. Et là, le Port et Arrimage demandent le même document comme s’ils ne l’avaient jamais vu. Véronique est tannée : «Ils auraient pu faire ces demandes sans convoquer d’audience.»

Et sans l’obliger à prendre congé à son travail.

Le juge a pris la requête en délibéré, il les a avertis qu’il avait d’autres chats à fouetter, qu’il travaillait à Rivière-du-Loup quatre jours par semaine. «Ça pourrait aller à après les Fêtes avant d’avoir une décision, et si on n’est pas d’accord, il va falloir la contester. Tout ça, ça sert juste à ralentir le processus.»

Chaque fois, «il y a six avocats de l’autre côté». Ce sont les mêmes pour les deux recours collectifs.

Chez Trudel, Johnson et L’Espérance, le bureau d’avocats qui porte le recours collectif, on ne s’étonne pas de voir le Port et Arrimage multiplier les pirouettes procédurales avant d’en arriver à discuter sur le fond. Le même bureau mène le recours contre les cigarettiers, qui ont étiré la sauce pendant 15 ans.

Le Port et Arrimage ont encore plein de cartes dans leur manche pour allonger les préliminaires. Et, à partir du moment où ils seront prêts à tenir le procès, il faudra compter au moins deux ans encore avant d’y arriver.

Plus la durée du procès.

Et des éventuels appels.

Véronique Lalande, elle, commence à trouver le combat éreintant. Elle ne s’imaginait pas s’embarquer dans une interminable saga le jour d’octobre 2012 où, intriguée par cette poussière rouge tombée sur sa galerie, elle en a recueilli un tout petit échantillon pour le faire analyser.

C’est à ce moment qu’elle a réalisé que l’air d’une bonne partie de la ville de Québec était chargé de métaux, à des concentrations souvent supérieures aux grandes métropoles industrielles. Il y avait trois fois plus de nickel qu’à New Delhi. Elle a fait des recherches, a découvert que le problème durait depuis des années.

Elle pensait naïvement que les autorités, une fois informées de la situation, la régleraient sans tarder. «Je ne pensais pas que c’est moi et Louis qui allions devoir mener ce combat, je n’imaginais pas que ça se passerait de cette façon. Surtout que les solutions sont connues et qu’elles sont assez simples.»

Elle calcule que «le Port et Arrimage dépensent autant pour se défendre et pour leurs campagnes de relations publiques que ça leur aurait coûté pour régler le problème», une fois pour toutes.

Ça fait cher pour balayer la poussière sous le tapis.

 

Source : Les avocasseries | Mylène Moisan | Mylène Moisan

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