L’amoureux éconduit | Le Soleil.

Publié le 28 juin 2013 à 05h00 | Mis à jour le 28 juin 2013 à 09h04, Le Soleil.

L’amoureux éconduit

Le pdg du Port de Québec, Mario Girard, ne se doutait pas qu’Arrimage du St-Laurent polluait les quartiers autour jusqu’en mars dernier, quand un chercheur et des citoyens ont eux-mêmes fait des tests pour mesurer la concentration de métaux dans l’air. PHOTO FOURNIE PAR VÉRONIQUE LALANDE

MYLÈNE MOISAN

(Québec) Le pdg du Port de Québec, Mario Girard, avait une image hier pour parler de la crise qu’il tente de gérer depuis huit mois, image qu’il a empruntée à un «consultant international». Ça fait plus sérieux.

Au commencement, la ville et le port sont nés ensemble, se sont mariés, ont filé le parfait bonheur jusqu’à ce jour d’octobre 2012 où de la fumée rouge est sortie par les oreilles du port. La chicane a pris, le divorce a été proclamé. «Là, il faut travailler sur la cohabitation», a répété le pdg sur tous les tons.

Rassurez-vous, Québec n’est pas toute seule. M. Girard l’a dit, «tous les ports du monde» sont en séance de médiation avec la ville où ils prospèrent. À un détail près, il n’est nulle part ailleurs question de concentrations de nickel et de métaux dans l’air qui mettent la vie des gens en danger.

Il a répété aussi que ça fait trois ans qu’il travaille à se rapprocher du monde, depuis qu’il a succédé à Ross Gaudreault, après un règne de 23 ans. Une façon polie de dire que le port était à des années-lumières de la population, qui lui rendait bien d’ailleurs. L’un se foutait de l’autre, comme ça arrive parfois dans les vieux couples.

Ce qui a permis au port d’avoir une maîtresse sulfureuse, Arrimage du St-Laurent, qui le menait par le bout du nez. Ça a duré des années, tellement qu’on a aujourd’hui l’impression que la compagnie en charge des opérations de transbordement est devenue la maîtresse de la maison.

Le port, lui, trouvait son compte là-dedans. Jusqu’à ce qu’il apprenne, dans les journaux, que la belle avait une MTS.

M. Girard l’a dit en un mot comme en mille, il ne se doutait pas une seconde qu’Arrimage polluait les quartiers autour jusqu’en mars dernier, quand un chercheur et des citoyens ont eux-mêmes fait des tests pour mesurer les concentrations de métaux dans l’air. Il n’a même pas eu un petit doute en octobre, quand un nuage de poussière rouge a recouvert une partie de Limoilou.

La belle Arrimage lui a dit que c’était un incident isolé, que ça ne se reproduirait plus. M. Girard l’a cru, a répété ça à qui voulait l’entendre, comme un amant battu, cocu et content. L’épouse, elle, a voulu comprendre pourquoi ça lui piquait partout. Elle a trouvé, a mis l’époux devant les faits.

Le port a nié tant qu’il a pu, il ne peut plus. Pour la première fois jeudi, M. Girard n’a pas fait de faux-fuyant. D’admettre qu’il y a un lien direct entre les opérations du Port et la pollution de l’air est un pas dans la bonne direction. De travailler à régler le problème aussi. C’est la moindre des choses.

M. Girard s’était mis sur son 36. Beau veston, belle cravate. Le pdg du Port de Québec savait que, pour la première fois, son tête-à-tête annuel avec les citoyens n’était pas un rendez-vous doux. Il a joué l’amoureux éconduit, qui implore une deuxième chance, jurant qu’il avait compris. Il a promis que, à la mi-juillet, les nouveaux canons à eau mettront un terme à «la séquence d’événements difficiles».

Bien hâte de voir.

Il nous a fait une présentation Powerpoint, avec des chiffres, des projets. Pour illustrer les 800 millions $ qui retombent sur Québec, il y avait, sur une photo bucolique de la ville, plein de petits ronds jaunes dans le ciel avec des signes de piastre dedans. Quand on habite Limoilou, le Cap Blanc, Beauport et même Lévis, ce ne sont pas des dollars qui nous tombent dessus, c’est du nickel.

C’est bien beau la cohabitation, à condition que ça ne soit pas un triangle amoureux. Le port a choisi son camp, il veut divorcer à l’amiable de la population pour continuer à batifoler avec Arrimage. En promettant, cette fois, de l’avoir à l’oeil.

via L’amoureux éconduit | Mylène Moisan | Chroniqueurs.

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